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Hygiène alimentaire : A peine 100 contrôleurs pour tous les restos et commerces de Casablanca !

Le système de contrôle est défaillant n Le cadre légal remonte aux années 1950, le nouveau texte sur l’hygiène est attendu cette année. Les restaurateurs dénoncent les pressions exercées par les agents de contrôle et la longueur du délai d’octroi des autorisations d’ouverture.

Le manque d’hygiène alimentaire dans les établissements de restauration et de commerce de détail est une problématique de santé publique mondiale. Ce qui aggrave cette problématique au Maroc, c’est qu’elle est banalisée. Un petit détour par des snacks, laiteries ou restaurants au centre-ville de Casablanca suffit pour en avoir une idée. Sanitaire en mauvais état et mal aéré, personnel sans carnets sanitaires et non sensibilisé à l’hygiène, vaisselle mal lavée, chaîne de froid non respectée… Les exemples sont nombreux et font partie du quotidien de ces établissements.

Au sens de la loi organique n°113-14 relative aux communes, la préservation de l’hygiène est une compétence propre de la commune. Comprenez, la préservation de l’hygiène compte parmi les services communaux, tout comme le nettoiement, la distribution de l’eau et de l’électricité, le transport public ou l’éclairage. L’ossature du cadre légal régissant ce secteur est composée essentiellement de la loi n°28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires, ainsi que d’autres arrêtés ministériels (intérieur, agriculture et santé) et l’arrêté municipal de ladite commune. Si la loi n°28-07 est récente et contient, en plus des dispositions juridiques, un guide de bonnes pratiques relativement moderne à l’adresse des professionnels, l’arrêté municipal pour le cas de Casablanca date de 1952. Et ce n’est qu’en 2018 que le Conseil de la ville de Casablanca va adopter un nouvel arrêté dont le texte est prêt depuis août dernier (voir page 50).

Comme relevé précédemment, le gap entre ce qui est prévu par la législation et ce qui prévaut sur le terrain est grand. Effectifs réduits des équipes de contrôle, corruption des contrôleurs, pusillanimité des clients qui ne font aucune réclamation, laxisme des élus pour qui l’hygiène n’est pas une priorité sont quelques causes de l’état actuel. C’est en tout cas ce qui ressort des échanges avec les différentes parties prenantes.

Le pot-de-vin est la règle

Prenons l’exemple du contrôle sur le terrain. Cinq sur six établissements (5 snacks et un restaurant) sondés par La Vie éco dénoncent une corruption quasi généralisée. Que ce soit pour obtenir l’autorisation ou lors des contrôles périodiques, le pot-de-vin est la règle. «Chaque mois, des agents du service d’hygiène se présentent pour recevoir un bakchich. Tout a commencé durant notre premier mois lorsque nous avons repris la location-gérance du snack. Nous avons eu droit à un contrôle musclé. Ce n’est qu’après que j’ai compris que c’est une manière de faire pression», explique un gérant de snack au centre-ville de Casablanca, qui ajoute que cette pratique est courante dans tous les établissements de la zone.

Le son de cloche est le même chez une gérante qui a ouvert un grand snack en décembre 2016. «Depuis que nous avons inauguré notre établissement, nous avons fait l’objet de deux visites. A chaque fois, nous avons été obligés de donner entre 400 et 1 000 DH. Ce fut le cas également pour la commission mixte qui délivre l’autorisation», indique-t-elle.

Des amendes dérisoires et peu contraignantes

«Nous avons eu recours aux services d’un architecte et d’un consultant. Tout était dans les normes et dans l’ordre, mais il fallait graisser la patte», confie le propriétaire d’un établissement haut de gamme. Il évoque une autre problématique qui a trait au retard des visites des commissions en charge de délivrer les autorisations. «Attendre un mois pour passer l’étape de la visite de la commission est vraiment inacceptable. C’est du temps perdu et de l’argent jeté par la fenêtre puisqu’on perd un mois de loyer, en plus d’une échéance bancaire à honorer sans faire rentrer de recettes. C’est en quelque sorte un frein à l’investissement», poursuit-il.

Contacté par La Vie éco, Dr Boudiher Mohammed Karim, cadre au service de l’hygiène alimentaire, relativise ces accusations. «Je ne nie pas l’existence de la corruption. C’est un fléau qui existe dans tous les secteurs. Les gérants doivent refuser de s’adonner à cette pratique», a-t-il déclaré. A la question de savoir quelles sont les infractions récurrentes, notre interlocuteur précise qu’«il s’agit principalement de l’absence de cartes sanitaires du personnel, de la présence de produits avariés et de la mauvaise conservation des produits». Il souligne qu’un «arrêté conjoint du ministère de la santé et celui de l’agriculture exige des analyses tous les six mois mais la majorité des employés sont des saisonniers». Autre tare du système : les amendes, dérisoires, ne découragent pas les récidives.

Pour ce qui est des retards des visites, Dr Boudiher soutient que «le service d’hygiène donne uniquement son avis alors que la délivrance des autorisations est du ressort soit du guichet unique Dar Al Khadamat pour les établissements classés, soit des arrondissements pour les établissements de proximité (snacks, petits restaurants ou commerces)». Par ailleurs, «trop nombreux dans les quartiers populaires et même dans le centre-ville, les restaurants ambulants échappent à tout contrôle», alerte-t-il.

Interpellé sur l’effectif des agents du service d’hygiène dans le Grand Casablanca, Dr Boudiher indique qu’il ne dépasse pas 100 fonctionnaires. «Le premier et le meilleur contrôleur est le client qui doit être exigeant et doit contacter le service d’hygiène à chaque fois qu’il constate un manquement», conclut-il. Contactée par La Vie éco, Nabila Rmili, adjointe au maire chargée de la santé, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Source :  http://lavieeco.com/

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